par © Gil Chauveau 17/03/2000

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"ALLEGORIES EN FORME DE FARCES !"

"Un riche, trois pauvres" de Louis Calaferte.

Vu le mardi 22 février 2000

"Un riche, trois pauvres" : on pourrait s'attendre à ce qu'un tel titre dévoile une partie de l'intrigue, que cette intrigue ait des airs de comédie, qu'elle parle d'argent, ou de pouvoir. "Un riche trois pauvres" parle de ça, et aussi de bêtise, de domination, d'humiliation, de solitude ; de la transmission de toutes ces tares de l'humanité, de génération en génération, à travers les mécanismes bien huilés de la famille, de la patrie, de la religion et du quand dira-t-on, à travers l'inconscience monstrueuse de tous, qu'ils soient bourreaux ou victimes. Bref, un riche trois pauvres, c'est politique. Et c'est une comédie. Mais il n'y a pas d'histoire derrière ce titre, c'est juste un titre, juste un micro tableau de la société, un chiffre simpliste, caricatural, parce que la caricature reste, en politique, le moyen le plus juste d'atteindre sa cible et qu'elle est toujours, malgré son exagération, au-dessous de la vérité. Si il n'y a pas d'histoire, qu'y a-t-il ? Et bien justement, seulement une succession de micro tableaux, parfois mêmes plus courts que le titre lui-même, des micros allégories en forme de farces, triviales dans leur ton et parfaites dans leur structure. Et, derrière la somme de ces tableaux, l'émotion d'un Calaferte enfant triste qui a perdu beaucoup d'illusions sur nos chances de nous en tirer mais qui n'a pas cédé au cynisme et continue à nous regarder avec affection.

Ce mélange de rapidité, de précision et de profondeur dans les coups portés, la Compagnie Les Wacs l'aborde avec douceur et simplicité. Quatre acteurs enchaînent les courts mouvements en une chorégraphie minimaliste, avec leurs tronches monstrueuses et quotidiennes, leurs corps sagement habillés et cravatés, leurs mouvements absurdes mais dont les personnages assument avec fierté la logique secrète. Grâce à un jeu décalé et une scénographie pleine de trouvailles et de liens transversaux, les allégories littéraires de Louis Calaferte prennent chair en des allégories visuelles percutantes, drôles, émouvantes. On passe une petite heure à se mirer dans cette galerie de monstres qui nous prennent à parti dans l'étalage de leur - de notre - aberration collective. C'est un peu comme un show télé. Mais un show télé pauvre, avec un décor pauvre, un lyrisme pauvre et un générique pauvre : une musique à la fois belle, lancinante et complètement débile du génial groupe "The Divine Comedy" qui ne vous lâchera pas de la soirée. Et, comme ça finit vers 21h, vous aurez tout le temps de la chantonner en repensant à cette galerie de fous au sourire triste.

La mise en scène et le jeu transmettent l'oeuvre de Calaferte sans en limiter la richesse ni la dénaturer par des apports inutiles.
Jean-Christophe Blondel © La Revue du Spectacle 17/03/2000

"Un riche, trois pauvres" de Louis Calaferte.
Mise en scène de Renaud Béchet.
Par la Compagnie Les Wacs.
Avec Gautier About, Sandrine Decourtit, Raphaël Prie et P.-M. Velluge.
Jusqu'au 16 avril 2000 à l'Aktéon Théâtre (Paris XIe).
 Rens. : 01 43 38 74 62.